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12 avril 2015 7 12 /04 /avril /2015 09:11

Passions, plaisir, anamnèse du désir brûlant et du délire d’amour. Éros et l’enthousiasme hors de soi.
Maintenant Pascal pose la problématique suivante : Comment expliquer l’unité et la diversité de la beauté recherchée dans l’amour [ problème de l’un et du multiple ] ?
1. L’Idée du Beau est « gravée dans le fond de nos âmes avec des caractères ineffaçables ».
Ici l’auteur semble reprendre la théorie platonicienne du « ressouvenir » ( [ « anamnèse », du grec « anamnèsis »] Phèdre, 249 c ) de l’Idée de la Beauté contemplée jadis et devenue empreinte indestructible. Racontons brièvement cette « épopée » philosophique du « délire [ « manikè » ] d’amour » qui saisit d’un « transport divin » tous les êtres [ étymologie du mot « enthousiasme » du grec « en », « dans », et « theos », « dieu », d’où l’exaltation qui nous soulève ! Phèdre, 249 d ]. Selon Socrate, l’esprit est constitué de trois éléments, ce qui dirige, le côté docile, et le côté fougueux. Et au moment de la procession des esprits allant contempler les Idées se produit une sorte de tohu-bohu entre les différents esprits qui peuvent apercevoir celles-ci plus ou moins bien. Certains doivent se replier sur de simples opinions [ Phèdre, 248 b ], si bien qu’ils aperçoivent une pluralité au lieu de l’unité du Beau. Ceux, au contraire, qui l’entrevoient, « sont mis hors d’eux-mêmes, ils ne s’appartiennent plus » [ Phèdre, 250 a ] sans bien le comprendre, sorte de mystère pour initié. « Celui dont l’initiation est récente, celui-là, quand il lui est arrivé de voir un divin visage, parfaite image de la beauté, ou le galbe d’un corps pareillement divin, il a commencé par frissonner, et quelque chose s’est insinué en lui de ses effrois de jadis » [ Phèdre, 251 a ]. D’où le « désir brûlant » qui conduit à ne plus dormir la nuit, ni de pouvoir rester en place le jour. Seule la jouissance pourra l’apaiser [ Phèdre, 251 c- e ]. Tel est le lien d’Éros et de la Beauté gravée dans nos âmes.
2.Comment expliquer alors les différentes « nuances » de Beauté ?
L’auteur du Discours sur les passions de l’amour va colorer différemment son premier propos très platonicien.
a. Il faut tenir compte des circonstances particulières qui dépendent de notre disposition, si bien que chacun cherche « l’original » dont il ne trouvera qu’une « copie » dans notre monde.
b. Mais il y a déjà une influence de la beauté féminine due aux femmes elles-mêmes qui ont un grand pouvoir sur l’esprit des êtres masculins. A l’Idée du Beau, elles ajoutent leur propre beauté ou celle qu’elles admirent chez d’autres femmes car elles sont très sensibles à la beauté d’une blonde ou d’une brune, du grain de sa peau.
c. La coutume de chaque pays s’en mêle et transforme nos passions. Reprenant un propos de Montaigne ( Essais, livre II, chapitre XII, Apologie de Raymond Sebond ), Pascal écrira dans ses Pensées [ 294- 60 ] : « Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Cependant le Discours sur les passions de l’amour affirme que chacun est persuadé de la véracité de son jugement et « un amant trouve sa maîtresse plus belle » et la donne en exemple; si bien que la beauté semble plurielle, animée en plus par l’esprit des femmes, leur grâce et leur pouvoir de séduction. Elles sont faites pour l’amour et dans le cœur des hommes, il y a une place pour elles.
d. « L’homme est né pour le plaisir ». On croirait ici entendre l’hédonisme d’Aristippe de Cyrène, pour qui seul le présent existe (puisque le passé n’est plus et le futur n’est pas encore ) et donc le plaisir donne la mesure de toutes choses [ à ne pas confondre avec l’eudémonisme d’Épicure qui conduit au bonheur ].
En tout cas, on est très loin du Pascal des Pensées qui ne cesse de parler de la « misère de l’homme » perdu dans un monde infini, désespéré [ 72- 199 ], berné par son imagination sur « la beauté, la justice et le bonheur » [ 82- 44 ]. Toutefois l’auteur du Discours sur les passions de l’amour ajoute que le plaisir en question peut être vrai ou faux, mais qu’importe, pourvu qu’il soit perçu comme vrai ! Peut-être évoque-t-il le plaisir simulé par le partenaire ! D’ailleurs comment distinguer le vrai du faux puisqu’en parlant d’amour, on devient amoureux ! Éros lui-même n’est-il pas un enfant ?
Key Word : Amour, l’Idée du Beau, hédonisme, eudémonisme. Key Names : Pascal, Platon, Montaigne, Aristippe de Cyrène, Épicure. Key Works : Patrice Tardieu, Seul critère : le plaisir, Aristippe de Cyrène ; notre affect semblable à celui d’autrui ? Philo blog du 14 octobre 2012 ; Aristippe de Cyrène, le pathos, sensation que le sujet éprouve, les mots et autrui. Philo blog du 17 octobre 2012 ; Présent, instant, plaisir, hédonisme, Aristippe de Cyrène, Horace, Kierkegaard. Philo blog du 19 octobre 2012. Pascal, Pensées, Discours sur les passions de l’amour. Platon, Phèdre. Montaigne, Essais. Épicure, Lettre à Ménécée.
Patrice Tardieu.

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5 avril 2015 7 05 /04 /avril /2015 12:09

L’amour, l’ennui, le cœur et la raison, les passions, Dieu. Pascal, Heidegger, le chevalier de Méré.
Un texte énigmatique nous est parvenu : Discours sur les passions de l’amour qui daterait de 1653 et aurait donc été conçu et rédigé, dans sa période « mondaine », « galante », par Pascal; redécouvert par le philosophe Victor Cousin, qui le considérait comme authentique, en 1843, et qui se trouve à la Bibliothèque Nationale ! Je vais essayer de « problématiser » cet écrit et d’exposer les thèses que Pascal ( en principe ) y soutient, tout en faisant références à ses Pensées [ numéros entre crochets, d’abord dans l’édition Brunschvicg, puis Lafuma ].
1. Comment un homme d’esprit vit-il ses passions ?
De manière agitée, parce que l’homme ne peut pas rester en repos sans connaître l’ennui. Les pensées « calmes », scientifiques, ne peuvent remplir sa vie. L’être humain a besoin de « remuement » et d’action. Or ce qui l’agite, ce sont les amours et l’ambition, antagonistes entre elles.
Commentons tout cela : on sait que pour Pascal (comme pour Descartes ) la réalité humaine se définit par la pensée [ 365- 756 ] « l’homme n’est qu’un roseau pensant » [ 347- 200 ] dit Pascal; c’est donc par elle qu’il devrait atteindre le bonheur. Il n’en est rien ! La passion sociale qu’est l’ambition [ notons qu’Aristote ne condamne pas la « mégalopsuchia », l’orgueil bien placé, justifié ( Éthique à Nicomaque, IV, 7, 1123 a 34 )], comme la passion interpersonnelle, sont nécessaires pour écarter l’ennui. Heidegger en distingue trois sortes : l’ennui courant, ordinaire, il faut « tuer » le temps [ mais est-ce possible ? ], on est bloqué dans une gare, assujetti à la situation; l’ennui après coup, on s’était amusé, mais non, on sent tout le vide de ce temps « perdu »; l’ennui « métaphysique », le monde n’est plus un monde de possibles. On trouve cette analyse dans son ouvrage : Les concepts fondamentaux de la métaphysique : monde, finitude, solitude. On comprend mieux cette « agitation » nécessaire selon Pascal.
2. Qu’est-ce qui nous pousse donc à aimer ?
Nous sommes un esprit mais aussi un cœur. Il n’y a pas à demander s’il faut aimer, nous y sommes porté sans réfléchir. Le sentiment est là. Mais la netteté de l’esprit permet celle de la passion, et la souplesse de celui-ci éclaire « les parties aimables de ce qu’il aime », en particulier pour l’être masculin la beauté de la femme.
Remarquons qu’il y a ici une différence avec le Pascal des Pensées [ 277- 423 ] dont la maxime ambiguë « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point », s’explicite ( par la [ 282- 110] ) de la manière suivante : le « cœur » est l’intuition intellectuelle des principes suivants, « il y a espace, temps, mouvement, nombres » tandis que la « raison » démontre leurs propriétés et qu’ainsi « les principes se sentent, les propositions se concluent ».
Et dans le domaine religieux : « c’est le cœur qui sent Dieu, et non la raison » [ 278- 424 ]. C’est le fameux « pari » de Pascal, grâce au joueur et écrivain le chevalier de Méré, qui va le pousser à créer ( avec Fermat ) le calcul de probabilité; chevalier de Méré qui est peut-être ( c’est une hypothèse que je suggère ) l’auteur de ce Discours sur les passions de l’amour !
Key Word : amours, ambitions, agitation humaine. Key Names : Pascal, Descartes, Aristote, Heidegger. Key Works : Patrice Tardieu, Interprétation biaisée de Pascal sur le cœur, le sensible, la raison et Dieu, Philo blog du 6 août 2013 ; Angoisse, ennui. Le Néant. L’Être. Heidegger, Philo blog du 7 juin 2011. Pascal, Discours sur les passions de l’amour ; Pensées ; Lettres à Fermat, La règle des partis. Descartes, Méditations métaphysiques. Aristote, Éthique à Nicomaque. Heidegger, Les concepts fondamentaux de la métaphysique : monde, finitude, solitude. Marivaux, Le jeu de l’amour et du hasard.
Patrice Tardieu.

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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 22:54
Baisers, larmes, cheveux, parfum, Marie-Madeleine et Jésus, Hegel, chrême.
J’aimerais revenir un instant sur une autre histoire de baisers, commentée par Hegel, ceux de Marie-Madeleine à Jésus. Elle est racontée un peu différemment par Luc ( VII, 36-50 ) et par Jean ( XII, 1-8 ), mais ce qui compte, pour Hegel, c’est la « Wirklichkeit », « la réalité effective et vraie » de la chose, « l’effectivité » dégagée par le philosophe. La belle pécheresse se rend où se trouve Jésus, parmi un grand nombre de gens qui ne vont cesser de la critiquer; « son cœur la pousse vers Jésus, elle traverse l’assemblée, se jette à ses pieds, pleure et baigne ses pieds de ses larmes, les essuie de sa chevelure, les embrasse, les oint d’onguent et de nard naturel très précieux ». Elle se conduit, en réalité, comme une « vierge » : « la virginité timide et suffisamment fière d’elle-même ne peut dire à haute voix son besoin d’amour », ni épancher son âme « profondément blessée, proche du désespoir ». Elle « doit aller au-delà d’elle-même et de sa faiblesse et, au mépris de son propre sentiment de la Loi, donner et jouir d’une plénitude d’amour afin de plonger sa conscience dans cette jouissance intime ». On trouve inconvenant « ces baisers vivants qui suppriment toute faute », « cette béatitude de l’amour buvant la réconciliation dans sa propre effusion ». Après ce commentaire de Hegel, voici les paroles de Jésus, selon Luc ( VII, 44-47 ), s’adressant à Simon : « Vois-tu cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as pas donné d’eau pour laver mes pieds; mais elle, elle les a mouillés de ses larmes, et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as point donné de baiser; mais elle, depuis que je suis entré, elle n’a point cessé de me baiser les pieds. Tu ne m’as point versé d’huile sur la tête; mais elle, elle a versé du parfum sur mes pieds. C’est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés lui ont été pardonnés; car elle a beaucoup aimé ». Hegel introduit une remarque intéressante et surprenante : dans ce monde très éthique où se trouve Jésus, surgit une dimension « esthétique », peut-être « la seule chose dans l’histoire de Jésus qui amène à parler de beauté ». En effet, il y a une « beauté de la situation » et même, j’ajouterais, la scène elle-même rejoint la statuaire antique, d’autant plus qu’à la fin Jésus ajoute : « Elle m’a oint par avance, en vue de ma mise au tombeau » ( Jean, XII, 7 ).
Key word
: histoire de baisers, la « Wirklichkeit », la réalité effective et vraie de la chose, l’effectivité dégagée par le philosophe, la belle pécheresse se conduit comme une « vierge » poussée par son cœur, « un chrême » ( du mot grec « chrisma », « onguent, parfum, huile » ), un nard, besoin d’amour, donner et jouir d’une plénitude d’amour, jouissance intime, béatitude de l’amour buvant la réconciliation dans sa propre effusion, éthique, esthétique, beauté de la situation, la statuaire antique, elle m’a oint par avance en vue de ma mise au tombeau.
Key names
: Hegel; Marie-Madeleine, Jésus, Luc, Jean, Simon.
Key works
: L’Esprit du Christianisme ( Hegel ), Glas ( Jacques Derrida ); Luc, VII, 36-50; Jean, XII, 1-8.
L’île de notre nostalgie (2.3.l ).
Patrice Tardieu
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5 avril 2012 4 05 /04 /avril /2012 22:31
Opposition inclination loi morale chez Kant, contradictions sursumées chez Hegel, plérome de l’amour.
Sur cette question du commandement d’aimer, il y a la réponse de Hegel, philosophe de la Raison et de l’Esprit, à Kant, philosophe de l’Entendement et des Lumières. Mais, tout d’abord, revenons en arrière et commençons par le début, le Sermon sur la Montagne de Jésus qui se défend visiblement d’une attaque : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la Loi et les Prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir » ( Matthieu, V, 17 ), que Paul explique ainsi : « Vous ne devez rien à personne, si ce n’est de vous aimer les uns les autres, car celui qui aime les autres a accompli la Loi. Tous les commandements […] se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même […] l’amour est donc « l’accomplissement de la Loi » ( en grec « plèroma tou nomou » : « le plérome de la Loi » ).Le mot « plérome » signifie en grec « tout ce qui remplit », par exemple le contenu d’un vase, la population d’une ville, les aliments dans l’estomac.
Arrivons à la discussion de Hegel avec Kant. Pour Hegel, Kant maintient toujours une opposition entre l’inclination et la Loi, même s’il envisage, dans la sainteté, un accord du sentiment particulier avec la loi morale universelle, car il les conserve comme antagonistes. Or ce que propose le Sermon sur la Montagne est « quelque chose de totalement étranger, un autre génie », il exalte « une autre lumière, […] une autre région de la vie ». Il y a non pas abolition de la loi morale, mais accomplissement, « plérome », plénitude, grâce à l’amour. Notons que le verbe allemand « erfüllen » a le même double sens que le mot grec « plérome » : « accomplir une tâche », « remplir un récipient ». Nous sommes « remplis » d’amour qui est, comme nous l’avons vu, « la différenciation et la sursomption ( « Aufhebung » ) de la différence ».
Key word
: le commandement d’aimer, philosophe de la Raison et de l’Esprit versus philosophe de l’Entendement et des Lumières, non pas abolir mais accomplir la Loi, vous ne devez rien à personne sauf aimer, le plérome, opposition de l’inclination et de la loi morale chez Kant, les contradictions sursumées grâce à l’amour chez Hegel.
Key names
: Kant, Hegel; Jésus, Matthieu, Paul, Luc.
Key works
: l’Esprit du Christianisme, Leçons sur la Religion, partie III ( Hegel ), Fondements de la Métaphysique des mœurs, Critique de la Raison Pratique ( Kant ), le Sermon sur la Montagne ( Matthieu, V; Luc, VI, 20-49 ), Épître aux Romains, XIII, 8-10 ( Paul ), Sans amour je suis disloqué, les contradictions sursumées de l’amour ( Patrice Tardieu, Philo blog, 24/03/2012 ).
L’île de notre nostalgie ( 2.3.i ).
Patrice Tardieu
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4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 20:12
On ne peut pas commander d’aimer, ordonner un sentiment, discussion de Kant sur le christianisme.
Commençons par les « objections » que Kant fait à la doctrine de l’amour que l’on trouve dans le christianisme. Mais rappelons l’originalité de celui-ci par rapport au judaïsme. Ce dernier comporte traditionnellement six cent treize et non pas seulement dix commandements. Le christianisme les réduit à deux : aimer Dieu, aimer son prochain. Cette deuxième expression fait penser à un des commandements du Lévitique ( XIX, 18 ) « Aime ton proche comme toi-même » mais là aussi la différence est manifeste, il s’agit de l’ami, du proche. Car le « prochain » au contraire a une extension considérable puisqu’il englobe l’être humain le plus hostile : « Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent » ( Matthieu, V, 44 ). On retrouve cette insistance sur l’amour chez Paul : « Si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. L’amour excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout » ( Première Épître aux Corinthiens, XIII, 7 ) et chez Augustin : « Aime et fais ce que tu veux ».
Kant énonce une première « objection » à ce commandement de l’amour : « l’amour comme inclination ne peut pas se commander », il relève du sensible, du « pathos », du « pathologique » ( au sens étymologique de « passion » ). Tout ce qu’on peut ordonner, c’est de faire le bien par devoir ( Fondements de la Métaphysique des Mœurs, première partie ). La deuxième « objection » est la suivante : il faudrait être un saint et non un homme pour que notre sentiment coïncidât inéluctablement avec la loi morale, qui se présente toujours sous la forme d’une contrainte. La sainteté est inaccessible au commun des mortels, c’est un idéal valable mais qu’on ne peut atteindre ( Critique de la Raison Pratique, chap.III, Des mobiles de la Raison Pure Pratique ).
Key word
: doctrine de l’amour, christianisme, judaïsme, les commandements, le proche, le prochain, aimer ses ennemis, si je n’ai pas l’amour je ne suis rien, l’amour excuse tout, aime et fais ce que tu veux, le pathos, l’amour comme inclination, le saint, la sainteté inaccessible.
Key names
: Kant, Augustin; Matthieu, Paul, Jean.
Key works
: Fondements de la Métaphysique des Mœurs, Critique de la Raison Pratique ( Kant ), Traité sur la Première Épître de Saint Jean ( Augustin ); Lévitique, XIX, 18; Matthieu V, 44; Première Épître aux Corinthiens, XIII, 7 ( Paul ); Première Épître de Jean, IV, 7 : « Dieu est amour ».
L’île de notre nostalgie ( 2.3.h ).
Patrice Tardieu
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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 20:32
Amour, Abraham et Jésus, la philosophie de la religion selon Hegel dans ses écrits de jeunesse.
Il faudrait peut-être que
j’explique pourquoi Hegel parle de lamour dans une théorie philosophique sur la religion. Cest quil aborde celle-ci, dès ses Écrits théologiques de jeunesse ( Hegels theologische Jugendschriften, édités par Nohl ), à travers essentiellement les deux grandes figures dAbraham et de Jésus. Pour Hegel, Abraham est celui qui a totalement séparé lunivers naturel de lidée de Dieu et fondé une religion sur le culte de lAutre ( avec un grand A ), radicalement différent du Monde, auquel il faut obéir aveuglément ( cf. le sacrifice possible de son fils par Abraham arrêté au dernier moment).
Jésus, lui, se base sur le cœur et lamour ( Première Êpitre de Jean, 4,8 : « Dieu est amour » ), même aux dépens de la Loi ( Luc, 6,1-11; Marc, 2,27 ). Doù cette théorie de lamour, dans des leçons plus tardives, par Hegel, que jai exposée et commentée dans mon article précédent.

Key word

: amour, théorie philosophique sur la religion, les deux grandes figures dAbraham et de Jésus, séparation de Dieu le grand Autre vis-à-vis de lunivers naturel et du monde, obéissance aveugle à la Loi, le cœur et lamour aux dépens de la Loi.

Key names

: Hegel, Herman Nohl; Abraham; Jésus; Jean, Luc, Marc.

Key works

: Première Êpitre de Jean, 4,8; Luc ,6,1-11; Marc ,2,27. Lesprit du christianisme et son destin ( titre donné par Nohl ), Leçons sur la philosophie de la religion ( Hegel ), Glas ( Derrida ), Sans amour je suis disloqué, les contradictions sursumées de lamour, la conscience malheureuse, Hegel contre Proust ( Patrice Tardieu, Philo blog du 14/03/2012 ).
Lîle de notre nostalgie ( 2.3.e ).
Patrice Tardieu

 

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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 22:59
Sans amour je suis disloqué, les contradictions sursumées de l’amour, la conscience amoureuse, Hegel contre Proust.
Peut-être pense-t-on qu’avec Proust, j’ai trop insisté sur les aspects de leurre, de tromperie, d’aveuglement et de jalousie qui proviennent de l’amour. Mais ce serait une erreur de penser que certains philosophes n’en aient pas vu la complexité. C’est le cas de Hegel : « l’amour différencie deux êtres qui ne se distinguent absolument pas l’un de l’autre ». Hegel souligne ici le paradoxe de la conciliation du même et de l’autre, ou en d’autres termes hégéliens « l’identité de l’identité et de la différence ». En effet, les amoureux sont deux mais en même temps un; ils s’identifient l’un à l’autre tout en étant différents : « la conscience, le sentiment de cette identité tout en ayant son être hors-de-soi-même et dans l’autre, voilà l’amour » dit-il. C’est le sentiment d’être tout pour l’autre, la conscience de vivre pour autrui. « je ne possède pas ma conscience de soi en moi mais en l’autre, cet autre en qui j’ai seulement ma satisfaction et suis en paix avec moi-même et je ne suis moi que si je suis en paix avec moi-même, sinon je suis en contradiction, je suis disloqué » écrit-il. La finalité de l’amour est de me réconcilier avec moi-même car autrui me donne cette conscience que j’ai de moi-même, et sinon je suis moi-même divisé, en dislocation à l’intérieur de ma conscience de soi, scindée en deux, malheureuse, désunie, brouillée en soi, brisée par le dédoublement dans soi. « Cet autre, poursuit-il, en même temps, a son être pareillement hors-de-lui-même, possède en moi sa conscience de soi ». C’est la réciprocité nécessaire dans la reconnaissance de l’amour. « Tous deux nous sommes seulement cette conscience de notre être-hors-de-nous-mêmes et de notre identité, cette intuition, ce sentiment, ce savoir de l’unité ». On voit ici que l’amour consiste à sortir hors de soi tout en formant une unité avec l’autre : extériorité et identité de tous les deux. « Voilà l’amour, et l’on tient sur lui un discours vide si l’on ne sait pas qu’il est la différenciation et la sursomption ( « aufheben » ) de la différence ». Il y a donc dépassement et conservation de ce qui est dépassé; les contradictions du moi et de l’autre sont assumées en tant que telles et par ce mouvement « sursumées » ( on va au-delà tout en les saisissant ).
Key word
: paradoxe de la conciliation du même et de l’autre, identité de l’identité et de la différence, le sentiment de cette identité et de la différence, le sentiment de cette identité tout en ayant son être hors de soi-même et dans l’autre voilà l’amour, je ne suis moi que si je suis en paix avec moi-même sinon je suis disloqué, dislocation de ma conscience de soi scindée en deux malheureuse désunie brouillée brisée par le dédoublement dans soi, réciprocité dans la reconnaissance de l’amour, notre être-hors-de-nous-même, extériorité et identité de tous les deux, l’amour est la différenciation et la sursomption de la différence, dépassement et conservation, les contradictions sursumées.
Key names
: Hegel, Proust.
Key works
: Phénoménologie de l’Esprit, Conscience de Soi ( Hegel ), p.176 trad. Hyppolite, p.165 trad. J.-P.Lefebvre, p.211 trad.Jarczyk et Labarrière, Leçons sur la philosophie de la religion ( Hegel ) partie III, p.77, trad. J. Gibelin ( le texte que je cite et commente se trouve là ).
L’île de notre nostalgie ( 2.3.d ).
Patrice Tardieu
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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 22:48
Voix de l’être cher, paroles que l’on voudrait embrasser, triste liberté sans l’être aimé, Proust.
Le narrateur est à Doncières avec Saint-Loup, séparé pour la première fois de sa grand-mère qui doit l’appeler au téléphone ( à l’époque, il n’y a pas de ligne directe et on doit se rendre à la Poste dans des cabines fermées ). Il réfléchit à la distance supprimée et à la voix de l’être cher : « présence réelle que cette voix si proche, dans la séparation effective ! » et il va devancer sur un événement prochain : « anticipation aussi d’une séparation éternelle ! Bien souvent, écoutant de la sorte, sans voir celle qui me parlait de si loin, il m’a semblé que cette voix clamait des profondeurs d’où l’on ne remonte pas, et j’ai connu l’anxiété qui allait m’étreindre un jour, quand une voix reviendrait ainsi ( seule, et ne retenant plus à un corps que je ne devais jamais revoir ) murmurer à mon oreille des paroles que j’aurais voulu embrasser au passage sur des lèvres à jamais en poussière ».Ne voyant pas sa face, il écoute « pour la première fois » sa voix tendre et douce, décantée « de tout élément de résistance aux autres, de tout égoïsme »; cependant, « vue sans le masque du visage », il y remarque « les chagrins qui l’avaient fêlée au cours de la vie ». Elle lui donne la liberté de rester à Doncières. Mais que fera-t-il de cette liberté ? Il n’aura plus à obéir à ses commandements et ses défenses. Toutefois « cette liberté qu’elle me laissait désormais, à laquelle je n’avais jamais entrevu qu’elle pût consentir, me parut tout d’un coup aussi triste que pourrait être ma liberté après sa mort ( quand je l’aimerais encore et qu’elle aurait à jamais renoncé à moi ) ». Il se met à crier : « Grand-mère, grand-mère », mais la communication est coupée. Il ressent alors cette même angoisse qu’il avait éprouvée, petit enfant, quand il l’avait perdue dans la foule. Il est « comme Orphée, resté seul » au milieu des ombres.
Key word
: la distance supprimée, la voix de l’être cher, présence réelle, séparation effective, voix qui clame des profondeurs, anxiété, paroles que l’on voudrait embrasser, voix tendre décantée de toute dureté et de tout égoïsme, sans le masque du visage, triste liberté sans l’être aimé, angoisse.
Key names
: Doncières, Saint-Loup, Orphée, Proust.
Key works
: Le côté de Guermantes ( Proust ), Les Poésies Orphiques, Orphée ( opéra de Gluck ), Paysage avec Orphée et Eurydice ( Poussin, Musée du Louvre ).
L’île de notre nostalgie ( 2.2.y ).
Patrice Tardieu
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23 février 2012 4 23 /02 /février /2012 20:54
Maladie d’amour, regard médical de Proust sur toutes choses, hérédité physiologique et psychologique.
Le narrateur s’attarde sur les différents visages des jeunes filles, tout en soulignant le caractère héréditaire sous-jacent, par exemple de la chevelure d’Andrée : « une ligne aussi fine était creusée dans les cheveux, souple et profonde comme celle dont le vent sillonne le sable » et qu’il retrouve chez la mère d’Andrée : « les cheveux tout blancs […] étaient fouettés de la même manière, formant ici un renflement, là une dépression comme la neige qui se soulève ou s’abîme selon les inégalités du terrain ». Mais ceci est non seulement vrai de la morphologie physique, lorsqu' il les imaginait cruellement, au tout début, en vieilles dames, mais aussi de la morphologie psychique qui provient toujours selon Proust de caractères venus d’un ancêtre. Certains sociologues ont cru pouvoir puiser chez Proust le modèle social devenu en quelque sorte physiologique à force d’habitude. C’est une erreur totale car pour Proust, c’est l’inverse qui se produit : l’ensemble des caractères héréditaires corporels et psychologiques réapparaissent un jour ou l’autre. N’oublions pas que le « regard médical » n’est jamais absent dans son œuvre, y compris sur cette « maladie » qu’est l’amour.
Key word
: visages de jeunes filles, caractère héréditaire sous-jacent, la mère et la fille, la chevelure, morphologie physique et psychique, caractères venus d’un ancêtre, erreur de certains sociologues sur Proust pour lequel l’ensemble des caractères héréditaires corporels et psychologiques réapparaissent un jour ou l’autre, regard médical sur la maladie d’amour.
Key names
: Proust, Andrée.
Key work
: A l’ombre des jeunes filles en fleurs.( Proust ).
L’île de notre nostalgie ( 2.2.p ).
Patrice Tardieu
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22 février 2012 3 22 /02 /février /2012 22:18
Comment donner une preuve d’amour à la fois à sa femme et à sa maîtresse, faire plaisir à trois personnes par une seule et même action, le système des fins multiples selon Proust.
Proust nous explique ce qu’il appelle « le système des fins multiples » : « existant d’ailleurs à l’état embryonnaire chez un nombre énorme de personnes, ce genre d’insincérité consiste à ne pas savoir se contenter pour un seul acte de faire, grâce à lui, plaisir à une seule personne ».Le narrateur en donne plusieurs exemples. Premier échantillon : Albertine doit accompagner sa tante, ce qui ne l’amuse pas. Elle y va quand même, pourrait-on dire pour faire plaisir à sa tante, mais bien accueillie par les maîtres de maison elle prétend vouloir venir depuis longtemps les voir et avoir insisté auprès de sa tante pour cela; de plus elle y rencontre une amie chagrinée et lui dit qu’elle n’a pas voulu la laisser seule. On se rend compte qu’elle égrène trois mensonges pour faire plaisir aux autres en une seule action. Mais, deuxième cas de figure, « parfois, il arrivait pourtant que le but fictif détruisait le but réel ». Albertine est obligée d’aller voir une dame, ayant un service à lui demander pour une de ses amies. Mais une fois arrivée chez celle-ci, elle va suivre le « principe de l’utilisation multiple d’une seule action », elle lui explique qu’elle avait envie de la revoir. La dame est presque émue; Albertine renonce alors à demander le service pour lequel elle est venue ! Proust compare cela aux hommes qui ont tout fait pour obtenir les faveurs d’une femme, mais y renonce pour ne pas avoir l’air intéressés ! Enfin, troisième conjoncture exemplaire : un mari a installé sa maîtresse dans la ville où il séjourne temporairement. Sa femme est restée à Paris mais elle se doute de quelque chose et lui envoie des lettres pleines de jalousie. Or la maîtresse veut aller faire des courses à Paris; il l’accompagne et en profite pour verser des larmes en venant seul voir son épouse qu’il aime malgré tout, lui disant qu’il est venu l’embrasser et la consoler à cause de ses lettres. « Il a trouvé ainsi le moyen de donner par un seul voyage une preuve d’amour à la fois à sa maîtresse et à sa femme ». C’est l’efficace de ce « système des fins multiples » ! Rappelons seulement qu’il n’y a jamais aucune preuve d’amour car aucune preuve n’est LA preuve.
Key word
: le système des preuves multiples, genre d’insincérité, ne pas se contenter pour un seul acte de faire plaisir à une seule personne, le but fictif peut détruire le but réel, principe de l’utilisation multiple d’une seule action, efficace du système.
Key names
: Proust, Albertine.
Key work
: A l’ombre des jeunes filles en fleurs.
L’île de notre nostalgie ( 2.2.o ).
Patrice Tardieu
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