1 octobre 2014
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Le membre-fantôme, ressentir quelque chose dans l’organe que l’on n’a plus ! Descartes. Ruyer.
En fait, Schapiro comme Heidegger attribuent ces souliers apparemment « vides » à quelqu’un, comme l’on met un pied en bois pour les maintenir en forme, sorte de « membre-fantôme » écrit Derrida [ qui fait ici de nouveau une allusion, mais, cette fois-ci, à Descartes, sans le nommer non plus. Je donne la référence : Les Principes de la Philosophie, quatrième partie, § 196, qui donne le cas d’une jeune fille à laquelle on avait coupé la moitié du bras lors d’une opération, mais à qui l’on avait dissimulé cette mutilation par des linges, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir des douleurs, selon elle, dans la main qu’elle n’avait plus, dans tel ou tel doigt alternativement. Voici l’explication de Descartes : « les nerfs de sa main, qui finissaient alors vers le coude, y étaient mus en la même façon qu’ils auraient dû être auparavant dans les extrémités de ses doigts pour faire avoir à l’âme dans le cerveau le sentiment de semblables douleurs. Et cela montre évidemment que la douleur de la main n’est pas sentie par l’âme en tant qu’elle est dans la main, mais en tant qu’elle est dans le cerveau »]. Voilà ce qu’est un « membre-fantôme » ![ Avec le redoutable problème de la projection spatiale de la sensation qu’a essayé de résoudre Roger Chambon dans Le Monde comme Perception et Réalité, en cinq cent quatre-vingt-treize pages !..En fait, pour ce disciple de Raymond Ruyer, il s’agit de garder et de maintenir à l’esprit que notre champ perceptif est une « surface absolue » psychique qu’il ne faut pas porter au compte du monde et de l’altérité, mais nous ne pouvons y résister : cela s’opère avec une force incoercible car la perception en tant qu’opération est foncièrement « inconsciente »; avec ce paradoxe : notre expérience vécue est la conscience même qui est le lieu de la présence du monde.] Key word : le monde perceptif. Key names : Van Gogh, Schapiro, Heidegger, Derrida, Descartes, Roger Chambon. Key works : Van Gogh, Vieux souliers aux lacets. Schapiro, Style, artiste et société. Heidegger, Chemins qui se perdent dans la forêt. Derrida, la Vérité en peinture. Descartes, les Principes de la Philosophie, quatrième partie, § 196. Roger Chambon, le Monde comme Perception et Réalité, 593 pages, éditions Vrin, 1974. P.S.: pour ceux qui seraient curieux de connaître les thèses de Raymond Ruyer, ce philosophe français qui a développé une réflexion extrêmement originale sur les « domaines absolus d’auto-survol », mais aussi sur le finalisme, l’humanité de l’avenir, la société de consommation, la cybernétique et l’origine de l’information, la fonction symbolique, le Dieu des religions et celui de la science, voici quelques citations tirées de La Conscience et le Corps : « Les subjectivités seules sont réelles » ( éd. P.U.F., p. 2 ), « L’univers n’est un ensemble de corps que d’une manière idéale dans notre champ de conscience, qui, lui, justement n’est pas un corps » p. 9. « Le passage du monde de la perception ordinaire à l’univers scientifique est un progrès vers l’objectivité, sans être à proprement parler une désubjectivation » p. 13 « Le champ de conscience est ce qui est connu comme système nerveux. Le système nerveux représente l’apparence sous forme d’objet, de l’être réel qu’est le champ de conscience » p. 27. « L’incarnation n’est qu’un cas d’illusion réciproque » p. 28. « L’étendue sensible […] est une sorte de surface absolue » p. 57. Le point de divergence de Roger Chambon est celui de la conscience ( pour Ruyer ) et de l’inconscient pour lui. Patrice Tardieu.