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15 octobre 2013 2 15 /10 /octobre /2013 23:31
Georges Bataille poursuit sa thèse sur l’irrégularité constituant la clef de l’érotisme. Il prend l’exemple du mariage! Selon lui, il est « le contraire d’un excitant », alors que le changement de partenaire produit l’excitation! Il fait une concession à la psychanalyse: selon la fixation infantile [ d’après Freud: orale, anale, oedipienne, et Freud ajoute: « Une femme peut dans les circonstances ordinaires de la vie rester sexuellement normale; mais, sous l’empire d’un séducteur averti, elle prendra goût à toutes les perversités et en fera désormais usage dans son activité sexuelle »]. En effet la norme s’oppose à la libre « animalité » humaine. Bataille  approfondit alors cette idée: « La règle définit l’activité utile, et les actes rituels de la fête [ primitive ] en sont les transgressions ». D’où la dilapidation des ressources [ observées par Mauss ], la passion déréglée de l’activité sexuelle, faite, selon Bataille, d’une « conscience de dérèglement angoissant » et de bonheur érotique. Et il conclut: « Les valeurs de dérèglement, seraient-elles encore méconnues, déguisées, sont seules divines, sacrées et souveraines ». Key word : fixations infantiles orales, anales, oedipiennes, goût à toutes les perversités, la fête primitive et les transgressions. Key names : Georges Bataille, Freud, Mauss. Key works : Freud, Trois Essais sur la théorie de la sexualité. Mauss, Essai sur le don. G. Bataille, Préface à la Justine de Sade, édition Jean-Jacques Pauvert, 1955, p. XXX-XXXI. Patrice Tardieu.
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14 octobre 2013 1 14 /10 /octobre /2013 00:15
Le plaisir est proportionnel, selon Sade, soutient Georges Bataille, à l’irrégularité. La nudité, pour être excitante, ne doit pas être constante. L’attrait érotique viendra par exemple d’une mise à nu irrégulière. C’est cela qui « échauffe » le mieux les personnages de Sade: « l’échappée voluptueuse » est fonction de l’irrégularité morale. Chez Sade on jouit « en tuant, en suppliciant, en ruinant une famille, un pays, et plus simplement en volant ». Ce n’est pas tant la destruction que cette irrégularité qui est le piment de la chose. J’ajouterais que c’est « la scélératesse » elle-même qui donne cette « saveur », Sade qualifiant toujours ses sombres héros de « scélérats ». Parmi eux, Madame d’Esterval qui confirme la thèse ici de Georges Bataille; elle avoue: « Je souffre peut-être encore plus que vous de la médiocrité des crimes dont la nature me laisse le pouvoir. Il n’y a, dans tout ce que nous faisons, que des idoles et des créatures d’offensées: mais la nature ne l’est pas; et c’est elle que je voudrais pouvoir outrager; je voudrais déranger ses plans, contrecarrer sa marche, arrêter le cours des astres, bouleverser les globes qui flottent dans l’espace, détruire ce qui la sert, protéger ce qui la nuit, édifier ce qui l’irrite, l’insulter, en un mot, dans ses œuvres suspendre tous ses grands effets ». En fait, elle envisage donc une sorte de grand coït spatial déréglé ! Key word : scélératesse, idoles et créatures offensées, outrager la Nature. Key names : Sade, Georges Bataille. Key works : Sade, La nouvelle Justine, chapitre XVI. Georges Bataille, Préface à Justine de Sade, édition Jean-Jacques Pauvert, 1955, p. XXIX. Patrice Tardieu.
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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 23:27
Georges Bataille aborde le problème de ce que j’appellerais les deux « tissus » du texte sadien: d’un côté des récits d’orgie violente et outrancière, de l’autre des dissertations justifiant ces mêmes orgies, changeant la violence brute en « volonté réfléchie de violence », introduisant la « logique » au milieu de ces débordements des sens! Bref, la narration est interrompue « sans merci [par] les dissertations sur le crime des héros les plus déchaînés ». Et « nous passons chaque fois d’un monde dans l’autre ». Seulement « ces analyses, ces démonstrations, ces énoncés de principe, ces représentations du monde » nous éloignent de l’autre monde; ce sont des « discussions froides ». « Les mouvements divins et déraisonnables de la violence » deviennent des démarches raisonnées! Il y a « décalage » entre « la froideur d’un langage de raison » et l’irritation des nerfs. Mais justement le langage de Sade est celui d’un déraillement. En effet « la violence étant silencieuse », lui donner la parole, je dirais l’abuse, la prend au piège, se joue d’elle. Key word : les deux tissus du texte sadien, récits d’orgie violente, dissertations, deux mondes, déraillement. Key names : Georges Bataille, Sade. Key work : Georges Bataille, Préface à Justine de Sade, édition de Jean-Jacques Pauvert, 1955, p. XXVII-XXVIII. Patrice Tardieu.
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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 22:15
Contradiction à sa propre thèse qu’énonce Georges Bataille: Sade « donna sa voix à la violence » ( p. XXVI ) [ « La violence se tait alors que la raison discourt » ( p. XIX )]. Et il ajoute: « il ne s’ensuit pas que celle-ci reçut une expression qui répondait mieux qu’à celles du langage, aux exigences propres de la violence ». En effet l’homme ordinaire n’acceptera pas mieux le plaidoyer de Sade. Il faudra attendre les années 1950 pour qu’il soit « entendu ». Rappelons, tout de même, qu’en 1961 la publication de La Nouvelle Justine, Juliette, La Philosophie dans le Boudoir et les 120 Journées de Sodome était interdite et que le procès contre Jean-Jacques Pauvert dura neuf ans, à l’issue duquel il devait payer une forte amende et détruire les ouvrages. En appel, la peine pécuniaire fut diminuée et les livres ( dont l’édition en trois volumes des 120 journées établie par Maurice Heine ) confiés à la Bibliothèque Nationale ! Et l’entrée des Œuvres de Sade dans la Pléiade attendit 1990, 1995, 1998, « L’enfer sur papier bible ». Les journées de Florbelle ou la Nature dévoilée, le dernier opus de Sade, fut brûlé à l’instigation du propre fils du Marquis. Key word : le plaidoyer de Sade. Key names : Georges Bataille, Sade, Jean-Jacques Pauvert, Maurice Heine. Key works : Sade, La nouvelle Justine, Juliette, la Philosophie dans le boudoir, les 120 journées de Sodome, les Journées de Florbelle ou la Nature dévoilée. Patrice Tardieu.
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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 22:44
Georges Bataille revient tout à coup sur ses dires: « Et pourtant le langage de Sade est loyal! ». En effet, on a l’impression d’une solitude coupée du genre humain, vouée à la négation car même s’il ne doit rien aux autres, il ne doit pas tricher avec lui-même. « En vérité, [remarquons le ton théologique ici!] le solitaire de Sade, perdu de frénésie voluptueuse, trouve dans la solitude ce que d’autres n’osèrent trouver » dans les valeurs de l’humanité perçues comme ce qui limite leurs désirs. Le solitaire découvre la liberté de la révolte et « la force nécessaire à franchir les bornes », portant, dit paradoxalement Bataille, « le plus loin possible cette humanité qui lui appartient » et son langage serait celui de la victime ( Bataille reprend ici la thèse de Jean Paulhan dans sa Préface aux Infortunes de la Vertu de Sade), lui-même étant emprisonné et s’en prenant à Dieu, à l’univers, à la Nature, « à tout ce qui risquait de ne pas admettre la souveraineté de ses passions ». Key word : langage loyal, ne pas tricher avec soi-même, forces nécessaires à franchir les dernières bornes. Key names : Jean Paulhan, Georges Bataille. Key works : Jean Paulhan, Préface aux Infortunes de la Vertu de Sade. Georges Bataille, Préface à Justine de Sade, édition Jean-Jacques Pauvert, 1955, p. XXIV-XXVI. Patrice Tardieu.
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5 octobre 2013 6 05 /10 /octobre /2013 23:10
Georges Bataille, pour expliquer ce paradoxe ( selon lui, du langage du scélérat sadien) introduit une nouvelle hypothèse: « Sade parle, il est vrai, mais il parle au nom de l’homme seul, et même, si l’on veut, de la solitude de l’être ». Étant solitaire, il n’a pas la mesure des autres: « C’est dans la solitude un être souverain, ne devant de comptes à personne ». Il pourrait avoir peur (comme dans « l’état de nature » de Hobbes ») de la réaction de ses semblables à ses exactions, « mais il n’en est pas question, fût-ce un instant ». Il n’entre dans aucune relation avec autrui. « Le solitaire, de degré en degré, allant à une négation achevée de tout ce qu’il n’est pas » aboutit même à la négation de soi. La pleine violence, que rien n’arrête, suppose une « entière négation des victimes ». Et cette négation est « contraire au fait du langage ». Il tombe donc dans l’inhumanité de la solitude extrême. « Autrement dit, dans la solitude, il n’y a jamais rien qui doive répondre à quelque loyauté que ce soit ». Key word : solitude de l’être, exactions, entière négation des victimes, extrême inhumanité. Key names : Georges Bataille, Sade, Hobbes. Key works : G. Bataille, Préface à la Justine de Sade, édition de Jean-Jacques Pauvert, 1955, p. XXIII-XXIV. Hobbes, Léviathan. Patrice Tardieu.
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3 octobre 2013 4 03 /10 /octobre /2013 22:52
Il y a duplicité de l’être humain soutient Georges Bataille: les mêmes hommes, dans certaines circonstances, travaillent, se soucient de leurs enfants, ont une vie régulière, et dans d’autres, ces mêmes hommes « pillent et incendient, tuent, violent et supplicient ». Or le langage est « l’expression de l’homme raisonnable » ( rappelons que les Grecs définissaient l’homme par le « logos », la « parole »). D’où la thèse de Georges Bataille: « La violence se tait alors que la raison discourt ». Mais il doit alors affronter un redoutable problème: les scélérats de Sade ne cessent de discourir! Or, selon Bataille, « L’expression de la violence se heurte à la double opposition de la raison, qui la nie, et de la violence elle-même, à laquelle convient mieux un silence méprisant ». En effet, selon Bataille, le récit par le bourreau est impossible. Il concède tout de même que les personnages de Sade produisent une justification qui est « la valeur souveraine de la violence »: excès, dérèglement. Cependant, le bourreau, s’il est sous l’empire de la passion, doit se complaire dans le silence qui lui donne un plaisir sournois. Key Word : duplicité de l’être humain, la raison nie la violence. Key names : Georges Bataille, Sade. Key work : Georges Bataille, Préface à Justine de Sade, édition Jean-Jacques Pauvert, 1955, p. XIX-XXII. Patrice Tardieu.
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1 octobre 2013 2 01 /10 /octobre /2013 22:57

Pour Georges Bataille, il y a un parallèle à faire entre les scènes décrites par Sade d’une grande violence destructive et les rites sacrificiels religieux « d’une excessive cruauté: on donna des enfants à des monstres de métal rougi, on mit le feu à des colosses d’osier bondés de victimes humaines, des prêtres écorchèrent des femmes vivantes et se vêtirent de leurs dépouilles ruisselant de sang ». Il signale que le supplice de la croix joint la conscience chrétienne au divin. La présence du sacré est reliée à des mouvements d’horreur. D’autre part, « Sade contribua à la conscience que l’homme prend lentement de lui-même ». En effet, l’étude des religions a peu fait avancer la connaissance du sadisme, mais le sadisme ( universellement admis dans toutes les langues de nos jours ), au contraire, permet de mieux comprendre les horreurs sacrificielles. Il y aurait donc « une irrésistible propension à détruire » au fond de l’homme… Key word : violence destructive, excessive cruauté, supplice de la croix. Key names : Georges Bataille, Sade. Key work : Georges Bataille, préface à Justine de Sade, édition Jean-Jacques Pauvert, 1955, p. XII-XVIII. Patrice Tardieu 

 
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29 septembre 2013 7 29 /09 /septembre /2013 21:34

Georges Bataille, dans sa préface à Justine de Sade prend très au sérieux la critique de Jules Janin qu’il cite longuement en introduction dans les premières lignes. Il oppose l’homme ordinaire avec ses sympathies, ses lâchetés, mû par le besoin et la peur, à « la souveraineté de personnages voluptueux ». Et il énonce sa thèse: « où serait le plaisir si l’angoisse qui lui est liée n’en mettait à nu l’aspect paradoxal, s’il n’était insoutenable aux yeux mêmes de celui qui l’éprouve? ». C’est pourquoi l’œuvre de Sade est un défi, poussé à l’extrême, à l’homme habituel. Prenons le point de vue de Jules Janin qui soutient finalement des positions inébranlables. Il ne faut pas voir l’horreur sadienne comme irréelle et brillante ( comme le feront les surréalistes et, j’ajouterais, Annie Le Brun ) car la position prise par Sade est « incompatible avec celle d’un être de raison ». Ceux qui voient en Sade un scélérat sont plus près de la vérité que ses admirateurs: « Sade appelle une protestation révoltée, sans laquelle le paradoxe du plaisir serait simplement poésie ». Bref, « A louer Sade, nous édulcorons sa pensée ». Key word : défi poussé à l’extrême, l’horreur sadienne n’est pas surréaliste ou irréelle, ne pas transformer Sade en poète. Key names : Georges Bataille, Jules Janin, Annie Le Brun, Sade. Key works : Georges Bataille, Préface à Justine de Sade, édition Jean-Jacques Pauvert, 1955, p. VII-XI. Jules Janin, Le Marquis de Sade, Revue de Paris, 1834. Annie Le Brun, Les Châteaux de la subversion; Soudain un bloc d’abîme, Sade. Patrice Tardieu

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27 septembre 2013 5 27 /09 /septembre /2013 23:05
Décadence romaine, dégradation et folie humaine, intempérance, Jules Janin, Nietzsche, Sade.
M. de Gernande fait l’apologie de la décadence romaine. On sait que les romains, comme les anorexiques de nos jours, se faisaient vomir pour pouvoir manger de nouveau. Mais selon Jules Janin, un des fondateurs de la Revue de Paris et romancier avec L’Âne mort et la femme guillotinée, surnommé « le prince des critiques », ayant lu La Nouvelle Justine s’exclame: c’est « le plus épouvantable monument de la dégradation et de la folie humaines devant lequel la vieille Rome, à son moment de décadence et de luxe, à l’heure où les Romains jetaient leurs esclaves aux poissons de leurs viviers, aurait reculé frappé de honte et d’effroi » ( Le Marquis de Sade, 1834 ). Pour le personnage de Gernande, c’est au contraire un hymne au Dieu de la gourmandise, à Jupiter contre Jésus. Nietzsche dirait: « Dionysos contre le Crucifié ». Gernande, lui, avoue: « L’intempérance est ma divinité ». Mme d’Esterval surenchérit: la suprême volupté vient de la comparaison, se goinfrer devant des gens qui ont faim! Ce serait « le repas du sang des hommes » dit Gernande le « phlébotomologue », leur enlever la nourriture qui devrait alimenter leur sang. On comprend pourquoi Jules Janin est horrifié par le texte sadien.
Key word
: honte et effroi, repas de sang des hommes.
Key names
: Jules Janin, Nietzsche, Sade.
Key works : Sade, La Nouvelle Justine, chapitre XIV. Nietzsche, Ecce Homo, pourquoi je suis une fatalité, §9; L’Antéchrist. Jules Janin, citation dans Sade, Œuvres, tome II, p.1371 (Revue de Paris, 1834).
Patrice Tardieu
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