Tout chez la femme attire l’homme et tout ce qui est masculin produit un effet érogène pour elle.

Havelock Ellis, dans Man and woman a fait une remarquable compilation de tout ce qui a été publié comme observations sur les différences de l’homme et de la femme, selon Weininger qui pose, quant à lui, le problème suivant : « le sexe est-il manifesté seulement par les caractères sexuels primaires et secondaires ? Ou ne s’étend-il pas bien au-delà ? ». En réalité, « le sexe est reconnaissable dans le corps tout entier ». En effet le cerveau, le foie, les poumons, la rate, la peau sont sexués. Et cela a une conséquence : « tout, chez la femme […] agit sur l’homme de façon érogène, et tout chez l’homme, attire sexuellement la femme et éveille son désir ». La nuance à apporter est que cette « note sexuelle » est plus ou moins accentuée. Mais il y a plus : l’hermaphrodisme [ le fameux androgyne du Banquet de Platon ] réel où un être possède à la fois les deux sexes ( et ceci se trouve explicitement dans le monde animal ) n’empêche aucunement qu’il soit mâle ou bien femelle car toutes ses cellules en portent la marque ! En ajoutant la complication et la nuance suivante, la cellule elle-même, comme nous l’avons vu, peut comporter « une infinité de formes sexuelles intermédiaires » ! Conclusion : l’hermaphrodisme n’est nullement en contradiction avec les lois de la nature qui accentuent les différences sexuelles. Seulement, l’homme ayant une apparence féminine naturelle aura une peau « féminine » biologiquement, tout en ayant un sexe masculin ! Key word : le sexe reconnaissable dans le corps tout entier. Key names : Havelock Ellis, Otto Weininger, Platon. Key works : Patrice Tardieu, j’ai consacré au symbolisme érotique de Havelock Ellis une série d’articles du 30/05/2014 au 19/06/2014 sur mon Philo blog. Havelock Ellis, Homme et Femme, une étude des caractéristiques sexuelles secondaires. Otto Weininger, Sexe et Caractère, Platon, Banquet, le discours d’Aristophane. Patrice Tardieu.

Lumière sur les rapports des sexes par un auteur sulfureux, énigmes de l’existence. Weininger.

Je vais m’attaquer à un auteur considéré comme sulfureux, Otto Weininger ( 1880 -1903 ), et à son livre non moins controversé Sexe et Caractère, qui s’est suicidé à l’âge de vingt-trois ans ( son ouvrage était déjà publié ). Il s’agit de « jeter une lumière neuve sur le rapport des sexes », de faire « entrer les différences et les oppositions dans un système; il n’y est pas question des femmes, mais de la femme » [on est ici dans la problématique de la querelle des universaux; et non pas de celle, psychanalytique, de Lacan ]. L’essentiel est d’interpréter et d’étudier les principes, d’explorer le soi. C’est un travail essentiellement philosophique avec idées, définitions, qui consiste à prendre le monde tel qu’il se donne et de le penser. « Le problème dont il est question est lié aux plus profondes énigmes de l’existence. Seule une vision du monde [ « Weltanschauung » ] peut en donner la clé, aussi bien pratiquement que théoriquement, et moralement que métaphysiquement ». Cependant « aucune vision du monde digne de ce nom n’a jamais fait obstacle à la connaissance singulière », par contre le savoir empirique est insuffisant. Et Weininger se réfère à Platon et à Kant. Il s’agit donc de s’adresser au « lecteur philosophe », de ne pas voir que l’aspect négatif, mais aussi positif de son propos très nietzschéen si je puis dire. En ce qui concerne son suicide, ne cherchons pas des « causes sociologiques » à la Durkheim, car cet acte implique une décision individuelle, les déterminismes sociaux étant trop généraux, ( le suicide se compte non en pourcentage mais sur mille, ce qui est très faible ), à tel moment de tel individu, qui ne prendra pas celle-ci quelques minutes plus tard, comme l’a montré Jean Baechler dans Les Suicides. Key word : l’universel, le particulier individuel. Key names : Otto Weininger, Platon, Kant, Nietzsche, Dilthey, Jean Baechler. Key works : Otto Weininger, Sexe et Caractère ( 1903 ). Dilthey, le Monde de l’esprit ( 1911 ): la « Weltanschauung », « vision du monde » ( concept énoncé en 1894 ), Nietzsche, Par-delà Bien et Mal. Lacan, Encore. La querelle des universaux ( la pensée peut-elle accéder à l’universel ou bien n’y-a-t-il dans l’esprit humain que du singulier particulier ? ) traverse tout le Moyen-Âge avec Abélard, Logica Ingredientibus ( vers 1130 ), Guillaume d’Ockham, Summa Totius Logicae ( en 1323 ), jusqu’à nos jours, avec le nominalisme empiriste anglo-saxon (on utilise des mots liés aux expériences personnelles. Mais le problème de cette dernière théorie est qu’elle est autodestructrice puisque les auteurs ne font qu’exprimer leurs propres expériences personnelles à travers un langage convenu lié à leur propre langue! ). Patrice Tardieu.

Michel Foucault va tout avouer sur l’amour des garçons…dans l’antiquité grecque. Parrhesia.

Pour ne pas se démasquer, Michel Foucault va tout de même aborder le problème de l’homosexualité masculine, dans un de ses derniers ouvrages, publié en 1984, l’année de sa mort, Histoire de la sexualité II l’usage des plaisirs, mais en abordant ce qui est perçu habituellement dans ce domaine comme un « paradis » pour les homosexuels : le monde antique grec. Il ne va pas sans y faire quelques remarques judicieuses car il ne s’agit pas d’une sexualité totalement débridée sans implications sociales. Rappelons toutefois que Foucault depuis 1975 ne veut plus entendre parler de Marx ! Il revient aux textes de Platon ( dans son cours au Collège de France en février 1984, il meurt du sida le 25 juin ), et au « dire-vrai » (il serait temps ! ), en grec « parrhesia » ( je donne la référence : Platon, Les Lois, III, 694 b, au sens de « entière liberté de parole », « franchise »; « parrhesia » vient de « pan », « tout » et « rhétos », « avoué » ). Foucault devrait donc tout nous avouer ! Il s’en tient prudemment aux rapports avec les garçons dans l’antiquité grecque ( il ne s’agit pas de sadomasochisme à San Francisco ! ). Voici la thèse de Foucault : dans cette civilisation, le désir s’adresse à tout ce qui est désirable, garçon ou fille; l’être ne change pas de nature, qu’il ait envie d’une fille ou d’un garçon. Ceci est très important pour Foucault. Où est alors le problème ? D’abord la différence d’âge. Foucault donne la référence au début de l’Euthydème de Platon, 271 b [ où l’on discute de la différence entre Critobule, homme accompli, et un jeune garçon ] et du Charmide, toujours de Platon, 153 c [ qui est un bel adolescent qui tourne la tête aussi bien des « hommes faits » qu’aux plus jeunes ! ]. Cette différence d’âge induit un autre problème : qui est actif ( ce doit être le plus âgé ), qui est passif ( le plus jeune ) ? En effet, il y a « un aîné qui a achevé sa formation […] et le plus jeune qui n’a pas atteint son statut définitif et qui a besoin d’aide, de conseils et d’appui ». Les pratiques homosexuelles entre un homme et un jeune garçon sont donc justifiées ( dans cette société grecque antique ). Key word : la parrhesia ( le fait de tout avouer ).Key names : Michel Foucault, Marx, Platon. Key works : Michel Foucault, Histoire de la sexualité II l’usage des plaisirs, chapitre IV, Érotique. Platon, Les Lois, III, 694 b; Euthydème, 271 b; Charmide, 153 c. Patrice Tardieu.

Le sexe, une des choses les plus interdites en apparence de notre vie et de notre corps.

Michel Foucault n’a rien à voir avec le problème de la théorie du genre, même s’il évoque Charcot et surtout dans une note ( Histoire de la sexualité, I, p. 75 ) l’Iconographie de la Salpêtrière, car il avait parlé avec Georges Didi-Huberman ( Foucault donne rarement ses sources comme ici où il n’indique pas cet échange avec G. Didi-Huberman ). Il est cité parfois en liaison avec la théorie du genre à cause d’une référence de Judith Butler à Surveiller et punir, naissance de la prison ! Mais le seul problème qui traverse tous les « travaux » de Foucault est celui de l’homosexuel masculin honteux de l’être et qui veut échapper au regard « médical » sur lui ( qui ne sera levé qu’en 1974 ). Il écrit dans Histoire de la sexualité I la volonté de savoir : « Comment dès lors analyser ce qui s’est passé, dans l’histoire récente, à propos de cette chose, en apparence une des plus interdites de notre vie et de notre corps, le sexe ». Il se sent « épinglé » [ comme un insecte ] par le « dispositif de sexualité », il a peur d’être « entomologisé » et qu’on lui extorque des aveux arrachés de force, ce qui est une torture et qui entraînera son assujettissement grâce à cette inquisition, cette « chasse » de l’examen médical infini. Rappelons qu’Oscar Wilde avait été mis en prison pour son homosexualité. Key word : théorie du genre. Key names : Michel Foucault, Charcot, Georges Didi-Huberman, Judith Butler, Oscar Wilde. Key works : Michel Foucault, Histoire de la sexualité I la volonté de savoir; Surveiller et punir, naissance de la prison. Georges Didi-Huberman, Invention de l’hystérie. Oscar Wilde, The Works of Oscar Wilde ( éditions Collins, avec son portrait peint par Toulouse-Lautrec en 1895 ). Patrice Tardieu.

Ivresse voluptueuse, contact doué d’une vertu aphrodisiaque avec des étoffes, oubli du monde.

On voit donc que le symbolisme érotique ( substitutif ) [substitution de la succion des seins à l’acte sexuel proprement dit ] peut se trouver chez la femme. Mais on découvre le symbolisme érotique aussi dans la cleptomanie féminine révélée dès 1896 par un certain Lacassagne. La cleptomanie est cette « impulsion au vol, dénuée de motif », sans raison apparente car la dame en question pourrait très bien se procurer l’objet en le payant; c’est le frisson de faire une chose risquée et défendue qui « pimente » le fait de voler; il y a là une attirance vers l’interdit lié à la sexualité. Est cité le cas d’une femme observée en 1905 par Dupouy qui décrit ce qu’elle éprouve comme se trouvant dans une sorte d’ivresse voluptueuse et d’une autre dont les yeux se mettaient à briller, son visage à se colorer, sa respiration à augmenter de rythme, son sexe à s’humidifier. Clérambault est aussi mis en avant avec deux observations de 1908 et 1910. Dans la réédition, en 1991, de quatre observations, de 1902 à 1910, ( il reste de lui, environ trois mille fiches diverses ! ) Gatian de Clérambault, sous le titre Passion érotique des étoffes chez la femme, s’explique clairement : il s’agit de la recherche féminine « d’un contact doué d’une vertu aphrodisiaque » avec de la soie [ ou du velours ], jouissance par effleurement d’étoffes ( « hyphéphilie » ), dans le fait de toucher ( « aptophilie » ), très éloigné du fétichisme masculin : « dans leur contact avec la soie, elles sont passives; leur personnalité est close par rapport au monde extérieur; […] le sexe adverse n’existe plus; leur jouissance est bien génitale, mais se suffit tellement à elle-même qu’on pourrait la dire asexuée » ! En effet, « la fourrure le plus souvent ne suffit pas à l’homme, qui en la maniant évoque la femme; la femme en maniant la soie reste seule en esprit ». Key word : cleptomanie. Key names : Lacassagne, R. Dupouy, Gatian de Clérambault. Key works : Patrice Tardieu, j’ai consacré à Gatian de Clérambault une dizaine d’articles sur mon Philo blog du 31/10/2012 Jouissance érotique de la femme par le vol d’étoffes de soie, au 26/11/2012 Érotomanie, folie de l’amour chaste , Hardiesse de Gaëtan Gatian de Clérambault, Lacan, Husserl. Gatian de Clérambault, Passion érotique des étoffes chez la femme. Havelock Ellis, Études de psychologie sexuelle, V. Patrice Tardieu.