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5 mai 2009 2 05 /05 /mai /2009 13:07

Une lanière sur une épaule nue Nous allons commencer par une approche qui met en valeur certains détails, ce qui fait basculer toute l'interprétation dans un sens[1]. Il s'agit de lire le tableau de François-Xavier Fabre (1766-1837) Oedipe à Colone. Un tout petit détail à peine perceptible sur cette grande toile est repéré : sur l'herbe devant le temple, sont posés des rameaux d'olivier. Or, c'est précisément ce qui est demandé comme offrande lustrale à Oedipe. Il a donc déjà accompli ce rite de purification. Par conséquent le moment représenté, choisi par Fabre, n'est pas le début de la tragédie de Sophocle, comme on le croit habituellement, mais sa fin, illustrant les derniers instants d'Oedipe qui, d'ailleurs, lève le doigt au ciel (comme Socrate avant sa mort dans un dessin préparatoire de Fabre à une toile disparue). Les nuages légèrement sombres dans un coin annoncent la disparition prochaine. Mais que faire alors des personnages en bas à droite puisqu'ils ne peuvent plus être les habitants de Colone en colère à l'arrivée d'Oedipe au commencement de la pièce de théâtre ? Des détails vont permettre de les identifier : l'un deux, vêtu de rouge, royal, ouvre largement les bras, accompagné de son héraut et de deux autres figures dont on ne voit que le visage. Ce ne peut être que Thésée, le roi d'Athènes, venu à la demande d'Oedipe recueillir sa dépouille. Au centre, un homme, une lanière sur son épaule nue. Celle-ci doit sans doute soutenir une épée. C'est donc un guerrier. Mais qui ? Un détail caractéristique va trahir son identité: le casque qui est l'attribut, dans la peinture de l'époque, d'un des fils d'Oedipe, Polynice. Fabre a donc l'audace de faire revenir ce fils ingrat à la fin et d'intercaler cette présence qui fait plus penser au tableau de Greuze et au commentaire de Diderot qu'à la tragédie de Sophocle, introduisant un élément de drame bourgeois. Peut-être, inconsciemment, veut-il régler ses comptes avec ce fils secret qu'il aurait eu en Italie... Un autre détail fait entrer un élément comique, amusant, d'humour bonhomme. A l'extrême gauche, un jeune porteur de lance, montre à son compagnon par son doigt dans l'oeil qu'Oedipe est aveugle ! Détail incongru, s'il en fut ! Toute cette interprétation des détails est confortée par le fait que Fabre avait eu en main la traduction du théâtre des grecs de l'abbé Brunoy qui découpait, à la manière française, la tragédie de Sophocle en cinq actes et qui comportait une erreur de fabrication du livre qui intervertissait des scènes (erreur que Fabre a corrigé sur son exemplaire). Ce détail, dû à une faute d'impression a induit une lecture décalée chez Fabre, si bien que Polynice peut surgir dans la scène imaginée située à l'entracte avant "l'acte V" final, dans un "hors texte" évidemment.

 



[1] Revue La Rencontre, 1er  tr. 2003.

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